"Le vide émotionnel. Quel étrange sensation. On ne ressent rien. On est indifférent a tout ce qui nous entoure. Plus rien n'a d'intérêt, plus rien. C'est comme si une main avait débranché votre système nerveux pour vous déconnecter des autres et qu'importe ce que votre famille, vos proches, vos amis peuvent tenter, rien ne peut vous faire réagir. Absolument rien. Ils ont beau tout tenter, les regards suppliants, les menaces rien ne peut vous atteindre.
La douleur. Vive et prenante. Cette douleur qui envahit chacune de vos cellules, qui se lit sur votre visage malgré tout vos efforts, qui envahit vos pupilles et qui vous étouffe vous et ceux que vous regardez tant elle est communicative. Vous ne savez pas comment vous en débarrassez, vous voudriez bien mais vous ne le pouvez pas. Malgré tout vos effort vous restez figer. Cette douleur qui vous paralyse de plus en plus au fur et a mesure que vous tentez de vous en échapper.
La peur. Froide et vicieuse. Qui vous retiens plus sûrement encore que les meilleurs barreaux. Qui vous terrifie encore plus que vos terreurs d'enfants. Qui vous fait revivre encore et encore vos pires cauchemar en les augmentant. La peur de rire. La peur de sourire. La peur de vivre tout simplement qui vous empoisonne l'existence, qui vous rend différents.
J'ai mal et je ne ressens plus rien a l'intérieur de mon âme. Mon frère est venu me chercher a Honolulu pour me ramener avec lui. Mes blessures physiques sont en bonne voie pour guérir. On prend soin de moi, pauvre petite âme. Je ne sais pas ce que j'ai bien pu faire pour mériter ce qui m'est arriver. C'est arrivé si soudainement et ça c'est terminé tout aussi vite d'après les témoignages mais pour moi ce fut long, très long....trop long. J'en fais des cauchemars terribles les nuits, je revis chaque scène, je ressens chaque mort encore et encore. Je sens encore la première vague d'assaut japonaise attaquer . Je sens les bombes lâchaient par l'aviation japonaise exploser et blesser ceux que je considéraient comme mes propres enfants. Je peux dire précisément combien il y eut de blessés...de morts. 2 vagues d'assaut qui causèrent bien des dégâts et un bilan humain lourd...trop lourd pour moi certainement. Je ne sais plus ce qui s'est passer, tout ce que je sais c'est que pour moi cette attaque dura une éternité alors qu'il ne se passa qu'une heure et des poussières....la plus longue et atroce heure de toute mon existence.
Je tente tant bien que mal de sourire. Je fais de mon mieux pour donner le change aux autres mais j'ai bien l'impression que je n'arriverais pas a duper Alfred encore longtemps. Sous ses airs d'idiot il a de la cervelle et il sait s'en servir. Il me percera a jour, cela n'est qu'une question de jour ou d'heure.
Je veux juste une explication, une explication serait-ce trop demander? même si c'est une petite explication je m'en contenterai largement mais qu'on me dise pourquoi j'ai eu a subir cela, pourquoi cela m'est-il arrivé, pourquoi ces hommes et ces femmes que je considérais comme mes enfants ont du mourir aussi soudainement.
Mes larmes coulent a présent. Je craque. Je n'en peux plus de tout garder pour moi. Moi le petit soleil océanien des USA je ne suis plus celle que je fut. Je ne sais pas combien de temps cela fait qu'un sourire n'est venu se placer sur mon visage, qu'un éclat de rire ne m'a secouée toute entière a m'en faire pleurer de rire. Moi qui bougeait tout le temps j'en suis réduite a me déplacer lentement.
J'ai peur. De tout et de rien. J'ai peur de mon ombre, du bruit de la pluie sur les vitres, du claquement des branches d'arbres entre elle, des claquement de porte. Tout me fait peur, tout me terrifie a un point inimaginable. Je ne me reconnait plus. Je n'en peux plus.
Je veux la paix de l'âme. Je veux redevenir celle que j'étais mais trop de choses agissent sur moi et dans mon esprit pour que je puisse redevenir la jeune femme vive et pleine d'énergie que j'étais. Je n'arriverais plus a donner le change bien longtemps. Pour moi seulement deux solutions : surmonter mes épreuves ou couler. Et pour le moment, sur ce papier mouillé de mes larmes je ne peux que constater que je me noie sans aucun espoir de remonter a la surface.
Alfred....Au secours...."